Construit en 1964 aux chantiers Tertu en presqu'île de Crozon, ce bateau vivier, conçu pour la pêche à la langouste en Mauritanie, est commandé par Louis Salaün, armateur du nord Finistère. Inscrit dans les quartiers maritimes de Camaret, Douarnenez et Morlaix, Maïtena cesse son activité en 1972 faute de langoustes sur les zones de pêche du banc d'Arguin.
Ce mauritanien issue d'une série de plus 20 unités depuis les années cinquante, est produit par les chantiers, Keraudren, Péron de Camaret et Tertu au Fret. Maïtena est construit chez Tertu à Rostellec, à partir d'une demi-coque, à l'œil et à la main. Le petit mauritanien de 25,20 m, pour une jauge de 162 tonneaux est en réserve, quand en 1976, Jean-Pierre Salaün le rachète et le réarme.
La principale transformation de Maïtena a consisté à boucher les trous du vivier dans la coque et à installer un système de mise en eau, grâce à l'emploi de deux pompes hydrauliques. Avec un volume d'eau de 100 tonnes dans le vivier, sans cargaison, l'objectif visé était de pouvoir débarquer jusqu'à 30 tonnes de tourteaux à flot. L'histoire de ce chef d'œuvre de la construction navale, est aussi celle des technologies qui, en 25 ans n'ont cessé d’évoluer.
Equipé en 1964 d'un moteur Caterpillar de 325 ch, Maïtena a été remotorisé deux fois au cours de sa carrière, témoignant de son adaptation à l’évolution technique du moment. Son deuxième moteur de marque MGO (MAREP-Grosshans-et-Ollier) produit à Mulhouse, est dérivé de la version utilisée notamment sur les locomotives diesel jaune et verte, BB 65000. En 1976, ce moteur diesel lent, quatre temps à injection directe et à démarrage à air comprimé, est remplacé par deux Volvo TAMD 122 A, deux groupes six cylindres en lignes suralimentés, couplés à un réducteur double, hydraulique réfrigéré. Doté d'une hélice à pas variable, Maïtena pouvait ainsi fonctionner sur un seul moteur dans certaines conditions en réglant le pas de son hélice afin de réduire les efforts mécaniques en charge.
Quand en 1984, le chef mécanicien et capacitaire Yann Rumeur découvre ce bateau, il se constitue rapidement une culture technique, fort de son expérience, de son aptitude à s'adapter et à comprendre, sans plan, le fonctionnement de ce bateau traditionnel qui plus est, transformé au fil des années. Equipé de doubles systèmes pour renforcer la sécurité, double démarreur, double alternateur par moteur, la maintenance de la salle des machines est impressionnante. En voici un petit aperçu :
Le système carburant : La filtration du gaz-oil repose sur 5 préfiltres en sortie des caisses à combustibles de 20 000 litres nécessitant un nettoyage toutes les deux marées ou chaque mois et quatre filtres à gaz-oil moteur à changer tous les 450 heures.
Le système d'admission d'air frais et d'extraction d'air chaud : L'admission d'air avec un grand ventilateur en inox installé sur le dessus de la passerelle pour alimenter en air frais les deux turbos des moteurs, la filtration de l'air et l'extraction d'air chaud, complétent le système pour optimiser et sécuriser le fonctionnement du Caseyeur.
Le systèmes de lubrification des moteurs : outre le changement des quatre filtres à huile moteurs, 110 litres d'huile 10w40 pour diesel rapide, sont à vidanger et à recycler toutes les 450 heures. Le réducteur nécessite 60 litres de fluide hydraulique pour fonctionner.
Le système de refroidissement :
Le double circuit eau douce, eau de mer à lui seul, représente un chantier, entre le controle des températures de fonctionnement, l'entretien des fluides 4 saisons, le contrôle et l'entretien des rouets de pompes à eau, le remplacement des anodes anti corrosion contre les effets du sel sur la fonte, l'aluminium et autres alliages et le remplacement régulier des coudes de durites en caoutchouc qui finissent par durcir et fuir, sans oublier leurs colliers de serrage. L'examen régulier des vannes de coques et des crépines au moment du carénage sont aussi l'occasion de changer les anodes de coque, une étape essentielle pour protéger durablement les métaux ferreux et non ferreux du bateau exposés en permanence à la corrosion active du sel de mer.
Le système hydraulique du bord :
L’installation de la salle des machines à la passerelle, nécessite 800 litres d’huile rouge pour faire fonctionner les deux pompes de vivier de 400 m3 chacune, les outils de pont, treuil, mat de charge et guindeau. A noter que les deux pompes de vivier disposent d'un groupe de secours Perkins de 80 ch pour les entrainer en cas de besoin.
La surveillance des moteurs, des couples de serrage mécaniques avec les vibrations, du bruit des odeurs, de la qualité des fluides est constante, la maintenance continue, pour à la fois solliciter le bateau et ses équipements tout en le ménageant. La science du mécanicien fait alors la différence par tous les temps avec une main pour se tenir et une main pour travailler, quelque soit l'heure du quart de jour où de la nuit. Très stable aux allures importantes avec un tirant d'eau de cinq mètres, le mauritanien très à l'aise dans la vague roulait aussi parfois bord sur bord dans certaines conditions, malgré ses deux imposantes quilles de roulis,rendant les déplacements à bord difficiles sous les paquets de mer qui déferlent sur le pont couvert ou sur les ailerons de la passerelle.
Le chef mécanicien est un personnage clef de l’équipage. En effet, garant de la mémoire technique du bateau, grâce à l'expérience acquise en mer il le connaît sur le bout des doigts.
Devenu le plus grand caseyeur de France en 1976, Maïtena a navigué durant 25 ans de mars à décembre, en Manche, mer d'Irlande, Ecosse, mer du Nord et dans le golfe de Gascogne, à la pêche aux tourteaux, par campagne de 10 à 15 jours selon la zone de pêche. Naviguant en morte-eau afin de subir moins de courant pour ménager le matériel, l'équipage composé du patron et de 6 marins, dont le chef mécanicien, ont parcouru plusieurs milliers de milles nautiques de 1976 à 2001 dans des conditions de mer souvent difficiles.
Basé les premières années au vieux port de Roscoff, Maïtena rejoint Brest quai Malbert, devant le poste d'amarrage du remorqueur de haute mer Abeille Flandre. Sorti de flotte en 2001, Maïtena rejoint le sillon de Camaret-sur-mer et son cimetière de bateaux du patrimoine maritime national, dans lequel il témoigne toujours de l'histoire de la construction navale de la pêche et des marins.
Après 17 ans sur le Maïtena, Yann Rumeur poursuit, quant à lui, sur Deom Dei, Fleuren et Abri du marin, petit côtier en bois de 9 m, de 50 ans, toujours opérationnel, sur lequel il travaille toujours. En 2009, Yann Rumeur rejoint la SNSM de Plouescat où, très vite, il devient patron suppléant de la vedette de sauvetage de 2e classe SNS 299 Porz Gwenn.
Le 25 mars 2023 lors de l'assemblée générale de Trégarvan, Jean-Pierre Salaün officier du Mérite Maritime, ancien patron du Maïtena, patron de la vedette SNS 299 Porz Gwenn en 2003 et président de la station SNSM de Plouescat de 2003 à 2020, a remis la croix de Chevalier du Mérite Maritime à Yann Rumeur en présence de 70 adhérents de la section Finistère.
© Eric Berthou