L'hommage de Loïc Hascoët aux familles de pêcheurs de Douarnenez, Concarneau et Lorient.
Les 27, 28 et 29 septembre dernier, se déroulait à Douarnenez les 4e Rencontres Océanes. Cet événement culturel affiche au programme, du théâtre, des expositions d'art et du cinéma en hommage à la pêche aux chalut dans les années 80. Le cinéma La Balise accueillait en effet Loïc Hascoët réalisateur d'un court métrage de 40 minutes réalisé en 1987.
Ce film primé de nombreuses fois, en Italie au festival de Trento comme en France avec un prix de la Marine nationale…, est ce que l'on appelle aujourd'hui un documentaire-fiction en hommage aux familles de Douarnenez, Concarneau et Lorient.
L'action se situe dans un port de pêche de Bretagne puis en Écosse et en mer d'Irlande sur un chalutier hauturier immatriculé DZ 184929. Ce film met en scène un duo de comédiens et un équipage professionnel de marins-pêcheurs au travail. La romance entre les deux personnages souligne la difficulté de la vie de marin-pêcheur pour les familles qui doivent accepter la séparation le temps d'une marée de 14 jours et les risques du métier.
Conditions de navigations
Eté comme hiver, les campagnes de pêche se succèdent au rythme de 14 jours en mer 3 jours à terre. Concarneau est le port de débarquement de la pêche. Autre personnage clé du film Premiers chaluts, le chalutier hauturier pêche arrière Pors Théolen. Ce chalutier pêche arrière de 38,50 mètres de 1030 Kw (1400 ch), pour 267,98 tonneaux, fait partie d’une série de bateaux construite aux Chantiers normands réunis à Courseulles qui a marqué l'histoire de la pêche au chalut durant quatre décennies.
Taillé pour la haute mer, ce bateau présente une silhouette de profil à forte tonture et dispose d'une coque en forme, dont les œuvres vives aux lignes d'eau tendues, favorisent maniabilité et vitesse, 13 nœuds par mer belle. Avec des creux de 3 mètres, le chalutier est réputé « bon rouleur bon marcheur ». Il roule bord sur bord par forte houle. Dans ces conditions de mer ou ciel et mer se confondent au gré du mouvement perpétuel de la ligne d'horizon, son étrave tulipée plonge dans les creux avant de remonter sous la vague avec amplitude, libérant avec force, des gerbes d'écumes et des paquets de mer qui s'écrasent sur la passerelle située au milieu du bateau. Les vagues balayent le pont et la plage arrière régulièrement inondée, rendant le travail à bord des plus risqués pour les hommes et le matériel. La notion d’équipage apparaît comme déterminante entre la passerelle en haut, le pont ou la machine en bas. Le rapport des hommes à l'outil de travail, à son entretien fait du bateau un compagnon de route sur lequel on veille, que l'on écoute tout comme les bruits de la tempête. La vie à bord est rythmée par l’alarme sonore qui accompagne la descente et la remontée du chalut, tout en gérant la sécurité du bord et le risque d'accident ou de naufrage. Les journées sont longues, En pêche, en effet, le chalutier est très vulnérable quand il s'agit de virer un chalut posé sur les grands fonds dans de telles conditions de mer… Seule la lucidité et la dextérité du capitaine permet de débrayer le treuil du chalut et la prévoyance de l'équipage pour fermer les panneaux de cales et la salle des machines, afin d’éviter de charger des tonnes d'eau par l'arrière en cas de croche du chalut sur une roche. Cette carène liquide de plusieurs tonnes d'eau compromet dangereusement alors l’équilibre longitudinal du bateau.
« Au début on pêchait à 800 mètres de profondeur avec des treuils hydrauliques. On a fini à 1500 mètres avec les treuils électriques ». Claude Laurent..
Le Jean-Claude Coulon, chalutier des temps modernes .
Un autre film de Jean Pierre Vedel diffusé en 1998 sur Canal plus dans la collection des bateaux et des hommes, éclaire plus encore sur la vie à bord d'un chalutier.« le Jean-Claude Coulon chalutier des temps modernes ». Il met en parallèle le témoignage de deux patrons :
- L'un Émile-Jean Friboulet, dernier amiral de la grande pêche à Terre-neuve. Il explique sa motivation à suivre son père capitaine de pêche sur les grands bancs. Il évoque son amour non pas de la mer mais des bateaux. « Un bateau devient quelque chose de vivant dans les mains d'un homme ».
- L’autre patron, Claude Laurent commande le Jean-Claude Coulon, ex Kéréon, chalutier de 38,50 mètres de long. Il témoigne aussi de son attachement à la relation entre le bateau et les hommes et au climat familial du bord à 10 membres d'équipage. Ici, le patron mange avec l'équipage. Le patron est là pour commander et rentabiliser le bateau afin de garder l'équipage qui est là pour gagner sa croûte. « C'est notre maison ici ! » déclare un matelot expérimenté. Le métier est rude et la vie rythmée par le chalut. Les risques sont nombreux à bord : tomber à l'eau en manœuvre sur la plage arrière, chutes et chocs traumatiques lors du roulis et le tangage du bateau, frottement des cirés sur la peau, manque de sommeil …Chaque membre d'équipage connait son rôle, de la machine au pont et à la passerelle. Vigilance et solidarité sont de rigueur et l'entretien du navire quotidien. On découvre ainsi à l'image le chef mécanicien dans sa cotte bleue, effectuant sa tournée d'inspection et d'entretien des mécanismes mobiles, graisseur à la main.
L'alarme du chalut résonne dans la nuit.
Après une lente remontée, le chalut est enfin sur le pont. Verdict : le trait de chalut de 7 tonnes de lieu noir, marque la fin de la marée. Les cales sont pleines. Cap sur Loch Inver pour débarquer. Retour en Bretagne pour 3 jours de repos avant la prochaine « route pêche ».
La pêche aux chaluts sur les grands fonds est une aventure technique et humaine de plus de 40 ans, des années soixante dix à l'année 2023, date ou l'un des fleurons de la flottille des chalutiers de grands fonds de 46 mètres, le Jean Claude Coulon II, construit aux chantiers Piriou en 2005, est retiré de la flotte dans le cadre du Brexit et déconstruit à Brest après seulement 18 ans de carrière.
Cette époque florissante de la pêche chalutière des grands fonds a marqué une époque de son empreinte dans la mémoire individuelle et collective d'une région et celle des familles de pêcheurs de Douarnenez, Concarneau et Lorient.
Aujourd'hui, la pêche en Bretagne représente la moitié de la pêche Française....
La section Finistère de la fédération nationale du Mérite Maritime était représenté par Joël Ruz, président, Claude Laurent, vice-président, Pierrick Berrou, trésorier et Jean-François Tanneau, trésorier adjoint.
© Eric Berthou